Le vocabulaire du vin expliqué simplement.
Entre un constructeur automobile et un vigneron de Bordeaux, il existe un point commun plutôt méconnu : la parkerisation.
Ce mot désigne, pour le premier, un traitement anti-corrosion des métaux, et pour le second un mode de production du vin aboutissant à un breuvage standardisé destiné à une certaine clientèle. Je vous vois d’ici, idéalistes buveurs, lever les yeux au ciel : Quoi, le vin ne serait que le résultat d’un process industriel, comme pour les bagnoles ? Oui, votre colère est saine : afin de comprendre ce qui se trame dans ce mot, il nous faut partir de l’autre côté de l’Atlantique, à une époque que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître…
Au début des années 80, Robert Parker Jr est un avocat américain passionné de vin français qui décide d’en faire son métier. Il crée sa revue, puis son guide, avec pour bannière une indépendance totale et une sûreté de goût reconnue par tous, même dans l’Hexagone. Parce que c’était lui, parce que c’était nous, parce que c’était le moment, il devient rapidement avec son nez assuré à un million de dollars* le dégustateur le plus influent du mondivino. Ses fameuses notes sur 100 sont attendues comme des bénédictions papales. Les grossistes américains n’importent plus des vins mais des parker points. Et en matière de nectars, ses goûts sont bien typés yankee : du gras, du costaud et du tape-à-l’œil. L’acidité ? Connaît pas. Les subtils arômes floraux ou végétaux ? À la trappe. Il aime le confit, le mûr, le rond, le tanin et le fût neuf**. Compris les frenchies ?
* Véridique.
Dans les vignobles, particulièrement à Bordeaux, une région qu’il adore, on se met à boiser les vins à outrance, à les extraire et les concentrer comme du ketchup pour flatter les goûts du gourou. Des vrais bêtes de concours, aux carrosseries impeccables. Car un 100/100 dans son guide signifie gloire et hausse infinie des prix. Il faut bien vendre… parfois jusqu’à son âme. En Espagne, en Italie, on suit le mouvement. Résultat, ces vins caricaturaux qui finissent par se ressembler tous quelle que soit leur origine ont été rapidement affublés de l’adjectif péjoratif : "parkerisés". Victime de ses excès, cette mode est retombée (pas partout hélas...) et Robert a eu le flair de vendre sa revue en 2012 avant d’être aussi grillé que les vins qu’il aimait. Devenu immortel par cette nouvelle antonomase*, il était temps pour lui de vivre enfin la bohème en allant cultiver du pinot noir dans l’Oregon.