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Prescripteurs : ils font et défont le prix du vin

Par Arnaud Heckmann, mis à jour le 12/10/2022

Le prix du vin
© DR
Le guide Parker serait-il en train de perdre sa toute-puissance ?

La semaine dernière, nous avons vu les coûts de production d’une bouteille de vin. Mais avant de pouvoir vendre, il va falloir vous faire connaître. Un petit article dans la presse spécialisée ou une bonne note dans un guide devrait vous aider. Cette semaine on fait le point sur ces prescripteurs qui font les prix et les réputations. 

Cette année, c’est la bonne. Le millésime était idéal et vous avez tout donné en cave pour en tirer un vin qu’on ne sort qu’une fois par décennie. Bravo ! Mais pour l’instant, il n’y a que vous qui êtes au courant… Pour écouler les stocks, ça risque d’être un peu juste. Il faut le vendre, et au bon prix, ce nectar qui vous a coûté tant d’efforts. Le savoir-faire n’est rien sans le faire-savoir. Tiens, d’ailleurs, on sonne à la porte… C’est un journaliste. Un expert en vin. Américain ? L’heure de vérité approche. Une bonne note dans son guide et les ventes seront garanties. Vous croisez les doigts...

 

L’éternel besoin humain de hiérarchiser

La note, c’est ce qui servait à l’école à classer les élèves du meilleur au moins bon. Si l’on ne distribue plus de bons points dans le monde de l’éducation, ça se pratique encore dans le monde du vin. Et ça remonte à loin ! La méritocratie et les classements ont en effet été l’obsession du 19e siècle. Classement des crus de 1855 à Bordeaux* initié par les négociants, suivi du classement des vins de Bourgogne du Dr Jules Lavalle* la même année, puis en 1873, classement des villages en Champagne*, qui donnera ensuite la pyramide des premiers et grands crus. La profession hiérarchise à tout-va pour fixer les prix d’achat du vin ou du raisin, dans une optique très "B to B"**. Deuxième vague un siècle plus tard, avec le classement des vins de Saint-Émilion* et des vins de Provence* (1955), ainsi que la création des grands crus d’Alsace*. Ici, ce ne sont plus les négociants avec leurs intérêts spécifiques qui s’y collent mais les syndicats d’appellation, non sans polémiques ni querelles de chapelle : les renouvellements du classement de Saint-Emilion de 2012 et 2022 sont passés par les tribunaux.

* Prix et notoriété des crus, qualité sur les dernières années, âge des vignes, terroir d’exception… Chaque classement impose ses propres critères pour hiérarchiser les meilleures cuvées, propriétés ou parcelles, en crus (premiers crus, grands crus, grands crus classés…).
** Business to Business, vente de professionnel à professionnel, par opposition au Business to Customer (B to C), vente aux particuliers.


Le but de ces hiérarchisations/classements est de donner des repères au consommateur, en justifiant les différences de prix parfois énormes au sein d’une même AOC. Et de cibler l’acheteur particulier. Car c’est là que la nouvelle bataille des prix va se jouer au 20e siècle : le consommateur qui achète directement son vin en bouteille et non plus en vrac via les négociants. L’amateur éclairé comme les détaillants pointus (restaurateurs, cavistes) ciblent leurs fournisseurs en lisant la presse viticole et les guides qui émergent en France dans les années 1980 : guide Hachette des vins en 1985, guide de La Revue du vin de France en 1996. Il faut pouvoir repérer les bons plans et les étoiles de demain. Pour les producteurs, y figurer devient essentiel. Mais l’offre est encore morcelée et ne pèse pas d’une voix unanime. C’est un Américain au flair inégalable et à la plume acérée qui va mettre tout le monde d’accord en prenant les rênes de la critique hexagonale : Robert Parker.

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