Ce sont des artistes méconnues, rares et précieuses, qui s’expriment à travers la seule boisson qui réconcilie l’homme avec sa condition : le vin rouge. Elles se nomment anthocyanes.
Pigments naturels présents dans la peau des raisins noirs, elles sont responsables de leur couleur, qui apparaît définitivement lors de la véraison*. Leur mission se poursuit pendant la vinification, où elles peuvent exprimer toute leur créativité, et multiplier les nuances qui trahissent leurs origines.

Pendant la fermentation, le contact du moût liquide avec les pellicules solides va entraîner un échange moléculaire. Pour un vin rouge, huit jours au minimum de ce contact intime lui permettront d’acquérir cette belle couleur qui rappelle le sang, et donc la vie. Pour avoir une teinte qui ressemble au maillot du Stade français*, le contact sera moins long : 48 heures maximum, sans forcer son talent. En fonction du cépage et de la durée de macération, son pinceau colorera nos verres de tons pourpres, grenats ou rubis.

Comme les tanins, les anthocyanes font partie de la grande famille des polyphénols*, vrai gilet pare-balle qui permet aux rouges d’affronter les outrages du temps plus sereinement que les blancs. En se combinant avec les tanins, elles vont les assouplir. A eux deux, ils vont donner sa structure au vin rouge jusqu’à ce que la patine du temps vienne à le dépouiller, lentement, de sa couleur et de ses tanins, jusqu’au stade ultime de l’apogée guetté par tous les esthètes.