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Des illustrations pour comprendre le monde du vin.

L’élaboration des vins effervescents

Par Loïc Le Métayer, publié le 02/11/2023

L’élaboration des vins effervescents
© DR
Quand le goulot ressemble à ça, on sait que ça va buller.

Bien mousseux, pétillants ou légèrement perlants, il existe une multitude de vins contenant du gaz carbonique (dioxyde de carbone, CO2). Voici tout ce qu’il faut savoir sur les vins effervescents.

La bulle est populaire : la sensation rafraichissante, l’association avec la fête, la fierté de savoir retenir ses rots en société… On reconnait facilement les vins effervescents à la forme de leur bouteille, et surtout à la manière dont elle est fermée : un bouchon "champignon" et un muselet. Mais derrière cette forme commune se cachent des vins très variés.

© Raynaud photo
Plop !

Les différents types d’effervescents

Il y a plusieurs manières de différencier les vins qui gazent. La première est la quantité de bulles, c’est-à-dire la teneur en gaz carbonique. Les termes pour décrire l’effervescence se chevauchent un peu :

- Tranquille : jusqu’à 4 grammes de CO2 par litre, le vin n’est pas considéré comme réellement effervescent.
Perlant : parmi les vins tranquilles, certains font seulement quelques bulles quand on ouvre la bouteille et de petits picotements sur la langue. Exemples : Muscadet, Gaillac.
Pétillant : entre 3 et 5 grammes de CO2 par litre, on trouve des bulles fines. C’est une sorte d’entre-deux ni vraiment tranquille, ni vraiment mousseux. La pression dans la bouteille est entre 1 et 2,5 bars. Exemples : Vouvray pétillant, Montlouis pétillant, les pétillants naturels (pet’nat’ pour les intimes).
Mousseux : à partir de 4 grammes de CO2 par litre, c’est de la bonne grosse bulle qui fait roter. Là, on est au-dessus de 3 bars de pression. Exemples : champagnes et crémants.

Le saviez-vous ? Les bouteilles de vins mousseux sont plus épaisses (et donc plus lourdes) pour bien résister à la surpression interne.
 

Comme le grand écart qui existe entre l’eau gazeuse et le coca, les vins effervescents peuvent aussi être classés en fonction de leur teneur en sucre.

- Brut nature, zéro dosage : moins de 3 grammes de sucre par litre.
Extra brut : de 0 à 6 grammes de sucre par litre.
Brut : de 6 à 12 grammes de sucre par litre.
Extra sec : de 12 à 17 grammes de sucre par litre.
- Sec : de 17 à 32 grammes de sucre par litre.
Demi-sec : de 32 à 50 grammes de sucre par litre.
Doux : à partir de 50 grammes de sucre par litre.

Vous remarquerez que ces dénominations diffèrent totalement de celles des vins tranquilles.
 

Pour finir, on peut aussi les différencier par la couleur… Enfin, plus ou moins !

- Blanc de blancs : vins blancs issus de raisins blancs. Exemples : champagnes de la côte des Blancs, crémants d’Alsace.
Blanc de noirs : vins blancs issus de raisins noirs. Exemples : champagnes de la montagne de Reims.
Rosé : comme pour les vins tranquilles, les rosés effervescents sont généralement issus de raisin noirs, avec une macération courte… sauf en Champagne, où l’on a le droit de mélanger vin blanc et vin rouge.
Rouge : très rare en France, mais ça existe, par exemple en Italie avec le lambrusco.

Le saviez-vous ? Quand on dit qu’on est plus saoul en buvant des bulles, il y a un fond de vérité. Comme les bulles nous font ingérer l’éthanol plus vite, il n’est pas idiot d’avoir l’impression d’être plus rapidement bourré avec du champagne.

 

Les différentes techniques d’élaboration

Pour faire des vins effervescents, il faut tout d’abord faire… du vin ! Les étapes d’élaboration seront donc les mêmes (vendange, pressurage direct pour les blancs, macération pour les rouges…) jusqu’à la fermentation alcoolique.
À partir de là, les techniques commencent à se différencier.

Méthode ancestrale

Comme son nom l’indique, cette méthode remonte à loin. Certains écrits nous relatent des expériences romaines tentant de contrôler l’effervescence de leur picrate, en faisant des trous dans les tonneaux pour laisser s’échapper le gaz. En effet, pendant la phase de fermentation alcoolique, les levures transforment le sucre en alcool et émettent du gaz carbonique (CO2).
La méthode ancestrale consiste à mettre le vin en bouteille avant la fin de cette fermentation, afin que le jus conserve une partie du gaz. C’est la méthode la plus simple, celle utilisée pour les pétillants naturels.

© BIVB
Sucre + Levures = Alcool + CO2

Attention à bien ajouter un muselet (la mini-armature en métal qui maintient le liège, vous en avez sûrement déjà vu sur une bouteille de champagne), afin que le bouchon reste en place ! Katja, notre amie caviste, a expérimenté les limites de la capsule que l’on trouve souvent sur les pétillants naturels. Demandez-lui ce qu’il se passe en cave quand il fait trop chaud, un vrai feu d’artifice !

Exemples de vins obtenus par méthode ancestrale : Gaillac, Clairette de Die, Cerdon…

© Pascale Walter

Méthode champenoise

La méthode champenoise est la plus complexe, alors accrochez-vous.

Contrairement, à la méthode précédente, on laisse la fermentation alcoolique aller à son terme avant d’embouteiller. Tout le CO2 produit s’est échappé : le vin est encore tranquille.
On commence par mettre de côté une petite partie du vin, puis on fait ses assemblages. Comme pour un vin classique, on peut mélanger des cépages, mais en Champagne on a aussi le droit de mélanger des vins de différentes années* ou même du vin blanc et du vin rouge pour faire du rosé**.

* La bouteille sera alors non-millésimée.
** Alors que c’est interdit dans le reste de la France.
  • La deuxième fermentation

La mise en bouteille se fait au plus tôt le 1er janvier suivant la récolte. À ce moment, on ajoute dans chacune un peu de liqueur de tirage : il s’agit du vin mis de côté plus tôt, mélangé à du sucre et des levures. Puis on ferme avec une capsule métallique. Ce nouvel apport de sucre et de levures lance une deuxième fermentation alcoolique, dont le gaz reste enfermé dans la bouteille.

  • Le remuage

C’est parti pour une maturation sur lies (levures mortes) qui doit durer au moins 15 mois pour les champagnes non millésimés et 3 ans pour les millésimés. Cela leur permet de complexifier leurs arômes.
Après cette période, il faudra procéder au remuage pour rassembler le dépôt dans le goulot de la bouteille : on fait tourner chaque bouteille de 1/8 à 1/4 de tour plusieurs fois par semaine. Cette opération peut s'effectuer à la main, par un "remueur", ou à l’aide d’un remueur automatique : le gyropalette fait tourner des caisses métalliques qui contiennent 500 bouteilles. Contrairement à l’Orangina, on remue pour que la pulpe reste en bas*.

* C’est fou les dommages des slogans publicitaires sur le cerveau… Éloignez vos enfants des écrans !
© DR
Les bouteilles sont stockées tête en bas,
pour que les dépôts tombent lentement...
© BIVB
... on remue à la main pour tout regrouper dans le goulot...
© DR
... ou on laisse faire les gyropalettes.
  • Le dégorgement

À l'issue de ce processus, le dépôt est entièrement accumulé dans le col de la bouteille, qui est prête pour le dégorgement. Dans cette étape, on gèle le goulot jusqu’à ce qu’un glaçon rassemblant toutes les matières solides se forme. On ouvre ensuite la bouteille pour le laisser sortir. Un dégorgement manuel est dit "à la volée".

© BIVB​​​​
  • Le dosage

Le dosage consiste à remplacer le liquide perdu pendant le dégorgement. Pour cela, on ajoute la liqueur de dosage, aussi appelée liqueur d’expédition, composée de sucre de canne dissout dans du vin mis de côté précédemment. On met plus ou moins de sucre selon le type de champagne qu’on veut faire, voire pas du tout pour un zéro dosage. Pour donner un ordre d’idée, 1 cl de sucre pour une bouteille de 75 cl donnera un champagne brut.
Ensuite, on ferme avec un bouchon de liège retenu par un muselet : la bouteille est enfin prête.

Le saviez-vous ? on appelle un collectionneur de plaque de muselet un placomusophile.

Méthode traditionnelle

Quand vous entendez "méthode traditionnelle", c’est pratiquement identique à la méthode champenoise : une élaboration avec une seconde fermentation en bouteille. Mais la Champagne n’étant pas très partageuse, elle a fait interdire le nom pour les vins élaborés dans d’autres régions.
La différence principale réside dans les temps d’attente avant mise en bouteille et l’élevage sur lie, qui sont généralement plus courts que pour le champagne.

Exemples de vins obtenus par méthode traditionnelle : tous les crémants, de Loire, de Bourgogne, de Bordeaux, d’Alsace, du Jura, de Limoux, de Die, de Saint Péray.

Méthode en cuve close

Il n’y a pas que grâce à une bouteille qu’on peut rendre un vin effervescent. On peut effectuer la seconde fermentation dans une cuve close. Il suffit d’avoir le matériel adéquat : une cuve résistante à la pression et un système de thermorégulation. On peut aussi remuer pour remettre les lies en suspension afin d’apporter des arômes supplémentaires, sans ouvrir bien sûr.

Méthode de gazéification

À l’instar de la Sodastream, cette méthode consiste à ajouter du gaz carbonique alimentaire directement dans la cuve ou dans la bouteille pour obtenir environ 6 bars de pression.

 

Il existe d’autres méthodes, mais ce sont toujours des variations de celles présentées ci-dessus.