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“Anecdotes et cocasseries à partager sans modération.”

Le vin, son histoire et sa culture.

Or consacré, verre et gaz rare : l’alchimie du champagne

Par Loïc Le Métayer, mis à jour le 25/10/2023 Publié le 09/10/2023

Quand on entend "Mais c’est génial ! Faut fêter ça !", qu’est-ce qui suit à votre avis ? Un gros "POP", des "ouaiiiis" et des tintements de coupes de champagne qui s’entrechoquent.

Mais pourquoi le champagne est-il associé à la fête et au luxe un peu partout dans le monde et ce depuis des lustres ? Pourtant, ce ne sont pas les vins différents qui manquent, pas même les effervescents… alors pourquoi le champagne et pas un autre ?

Nicolas Flamel l’a toujours dit et le dira pour toujours* : "transformer du plomb en or, c’est pour les petits joueurs. Avec les bons catalyseurs, ça marche pour n’importe quoi." Au péril de sa vie, un vigneron champenois a accepté de nous confier la recette alchimique secrète pour changer le raisin en un trésor inestimable estimable, mais quand même très très cher.

* Nicolas Flamel est un riche bourgeois du 14ème siècle, suspecté d’avoir réussi à créer la pierre philosoph… Non mais sinon, lisez le premier tome d’Harry Potter, vous comprendrez la blague.
 

La base : de l’or consacré

Et même, si possible, une couronne consacrée (celle qu’on trouve sur la tête d’un roi, pas chez le dentiste du pape).
L’histoire de la renommée du champagne est aussi vieille que celle de la naissance de la France, à une époque où il n’était même pas encore effervescent. Il y a plus de 1500 ans, Clovis de la dynastie des Mérovingiens - c’est loin les cours d’histoire du collège, hein ! - lance une mode qui perdurera pendant plus d’un millénaire chez les rois hexagonaux : se faire couronner dans la cathédrale de Reims.
Pour les célébrations, ça tombe bien : on est dans une région qui produit du vin. Le champagne devient logiquement une boisson synonyme de fête et d’opulence chez le gratin français.
 

Le Baptême de Clovis (toile, vers 1500) du Maître de Saint Gilles, National Gallery of Art de Washington.
Ce n'est pas encore trop la fête sur leurs visages, le champagne n'arrive qu'après.

Le détonateur : un bout de verre

L’apparition des bulles et l’internationalisation de la renommée du champagne sont déclenchées toutes deux par le même évènement : l’invention de la bouteille en verre au 17ème siècle. Ce récipient bien pratique permet de vendre le vin outremer, notamment à l’Angleterre. Et là, surprise : certaines bouteilles arrivent à destination pleines de gaz. Les producteurs de l’époque les considèrent comme défectueuses, mais les Britanniques, eux, trouvent ce côté piquant très chouette et demandent du rab.
Les vignerons champenois vont donc petit à petit changer leur fusil d'épaule et tenter de maitriser l’effervescence plutôt que de l’empêcher. Ainsi la bulle est, elle aussi devenue synonyme de fête*.

* Je suis prêt à parier que c’est à ce moment qu’on a commencé à utiliser le mot "pétillant" pour décrire quelqu’un ou quelque chose de joyeux et sympathique. Et pareil pour les Anglais avec "bubbly".
Carte postale tirée d’un tableau d’Armand Guery, figurant dom Pérignon.
Contrairement à la légende, dom Pérignon a cherché des moyens d’éviter la prise de mousse.

Le conservateur : un gaz rare

À la manière d’autres produits comme les diamants, le champagne a su au fil des années préserver son prix élevé et sa réputation grâce à des astuces marketing toutes simples : la rareté et la protection de la marque.
Telle des filles de joie qui savent se faire désirer pour monter les enchères, les producteurs font de la rétention de stock en fonction de la demande. Et même si les caves se retrouvent trop pleines, hors de question de baisser le prix des bouteilles. Certains préfèreront détruire une partie de leur stock (généralement, on en extrait l’alcool, qu’on revend pour d’autres utilisations : parfums, gel hydroalcoolique…).

La Champagne joue aussi à fond sur l’image de produit de luxe pour se démarquer des autres mousseux, tout en leur interdisant tout ce qui pourrait les rattacher à son succès exceptionnel. On n’a évidemment pas le droit d’appeler ”champagne” les vins produits autre part*, et même si l’on fait son pétillant avec une technique strictement identique, il est interdit de se réclamer de la "méthode champenoise". Le reste du monde devra se contenter du terme "méthode traditionnelle".

* Les autres effervescents s’appellent crémants ou mousseux selon leur mode de fabrication.

Alors bien sûr, l’histoire du champagne ne peut pas complètement se résumer à cela… mais maintenant, vous avez une idée de la recette de son succès. Si vous arrivez à impressionner un pote assez riche et que vous avez 1500 ans devant vous, vous arriverez peut-être un jour à vendre des bouteilles à plus de 10.000 €, comme la maison Krug. Patience !