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“Anecdotes et cocasseries à partager sans modération.”

Le vin, son histoire et sa culture.

Châteauneuf-du-Pape, une bouteille qui a de la... bouteille !

Par Xavier Chapuis, mis à jour le 09/09/2022 Publié le 25/05/2022

Vous avez certainement déjà remarqué un relief armorié sur le col des bouteilles de châteauneuf-du-pape. Pourquoi diable ces symboles ornent-ils le breuvage des papes d’Avignon ?

© Guenhaël Kessler​​

Peut-être connaissez-vous l’histoire : la vigne fut introduite en Gaule par les grecs (les phocéens) qui fondent la ville de Marseille. Puis les romains, en remontant le Rhône, diffusent sa culture et remplacent la bière par le vin. Deux millénaires plus tard, Jean XXII succède à Clément V le premier pape d’Avignon et fait de Châteauneuf sa résidence d’été en y apportant le savoir-faire des vignerons de Cahors, sa ville natale. Ses successeurs poursuivent son œuvre. La culture viticole n’a cessé, depuis, d’y prospérer.
Néanmoins, jusqu’à l’orée du 20e siècle, les châteaux y demeurent rares et, le plus souvent, les vins sont commercialisés par des négociants, par exemple des Bourguignons friands de grenache pour fortifier leurs pinots noirs.

Toutefois, la crise du phylloxéra qui survient à la fin du 19e, ruine la production et entraîne des fraudes en tout genre (notamment, sur l’origine des vins), jetant l’opprobre* sur toute la région. Soucieux de préserver leur réputation, les vignerons s’en remettent au baron Pierre Le Roy de Boiseaumarié**, qui fonde en 1923 le "Syndicat des propriétaires viticulteurs de Châteauneuf-du-Pape". Combattif, le baron saisit la justice en 1933 pour obtenir la délimitation de l’aire d’appellation et la détermination de règles de production, pavant le chemin des AOC. Du reste, il sera à l’initiative de l’INAO***, qui consacrera Châteauneuf-du-Pape comme la première AOC de l’histoire en mai 1936.

* Opprobre : honte publique, déshonneur.
** Avocat, amoureux du précieux nectar et héritier par alliance du château Fortia, connu sous le titre de baron Le Roy.
*** Institut National de l’origine et de la qualité : organisme officiel qui gère les différents types d’appellations d’origines, dont les AOC.


En 1937, le baron Le Roy et le syndicat introduisent un flacon écussonné, vecteur de lutte supplémentaire contre la fraude : cette bouteille, réservée aux producteurs de l’appellation, garantira son origine et la distinguera du jaja des négociants. Les attributs choisis rendent hommage aux papes : la tiare papale (ce couvre-chef en forme de pomme de pin qui coiffe les tifs des souverains pontifes) au-dessus des clefs de saint Pierre (les clefs du royaume des Cieux remises par Jésus à Pierre), le tout auréolé de la mention "Châteauneuf-du-Pape contrôlé" en lettres gothiques.

Des années plus tard, les vignerons déposent leur bouteille en tant que marque collective pour qu’elle bénéficie de droits de protection additionnels. C’est un succès : les armoiries accompagnent la renaissance des vins de Châteauneuf-du-Pape, permettant de défendre l’appellation sur la scène internationale, où l’AOC n’est pas reconnue. Une véritable soupape de sûreté !
Cette démarche inédite fait la fierté des vignerons du Vaucluse. L’arrivée en 2004 d’une nouvelle bouteille au design plus moderne, la "Mitrale", autorisée pour les négociants, permettra à chacun de choisir le contenant qui lui convient le mieux, en espérant que le consommateur arrive à s’y retrouver.

 

Nous tenons à remercier chaleureusement Michel Blanc, directeur projet et développement du syndicat des vignerons de Châteauneuf-du-Pape, qui a eu la gentillesse de nous accorder un entretien. Nous remercions également Manon Missongé, responsable promotion et communication de la maison des vignerons de Châteauneuf-du-Pape, qui nous a fourni de la documentation.