Tandis que je lisais dans la chaise longue sur la terrasse de mes parents, à l’ombre des falaises de Saint-Romain, au sein de ma Bourgogne natale, profitant de la belle saison en famille malgré l’épouvantable canicule, je reçus un nouvel appel de notre directrice Pauline : "T’en es où de ton prochain papier ? s’inquiéta-t-elle tout de go. Il doit paraître dans une semaine, je voudrais vraiment qu’il soit en ligne. Au boulot !" Et, une fois n’est pas coutume, elle me raccrocha au nez. Mon livre m’échappa et, encore tremblant, je décidai de contacter notre rédac’chef Loïc pour quémander quelque encouragement : "Moi je suis le good cop en effet, me rasséréna-t-il avec flegme, c’est elle le bad cop. Si t’as pas de thème, écris sur ton bouquin du moment." Or, j’étais plongé dans le Journal d’un curé de campagne de Bernanos. Rien qui pût a priori évoquer le vin.

Pensif, je ramassai le volume, repris mon paragraphe et, par un miracle digne d’un roman, tombai sur cette phrase divine :

On apprend la vie plus ou moins vite, mais on finit toujours par l’apprendre, selon sa capacité. Chacun n’a que sa part d’expérience, bien entendu. Un flacon de vingt centilitres ne contiendra jamais autant qu’un litre.

Le mot "flacon" résonna immédiatement dans mon esprit avec les bouteilles de notre nectar favori, et la philosophie de l’auteur avec celle de notre rédaction : le vin, ce n’est pas ceux qui savent contre les ignorants, ce n’est pas l’élite contre les quidams ; non, le vin, ce sont ceux qui apprennent contre ceux qui prétendent. Le vin, c’est le plaisir d’une découverte et non la supériorité de prérequis. Le vin, c’est tout un chacun dans notre amour des jolis flacons, à la mesure de notre expérience personnelle.