Depuis bientôt un an, la pénurie de verre inquiète la filière viti-vinicole française. Devrons-nous acheter du vin dans des bouteilles en plastique à l’avenir ou existe-t-il des solutions plus écologiques et respectueuses du produit ? Arnaud est allé enquêter pour Parlons Crus sur cette vieille habitude qu’est la consigne
Certains adultes aux tempes grisonnantes se souviennent sûrement des bouteilles vides qu’ils ramenaient enfant chez l’épicier pour rendre service à leurs parents. La menue monnaie qu’ils recevaient en échange était convertie en bonbons, et tout le monde était content… Le litron "6 étoiles" bouché à la capsule plastique était alors l’emblème d’une France populaire où l’on buvait son pinard quotidien sans trop se soucier de sa provenance. Le vin bouché au liège avec une étiquette, c’était plutôt pour les repas du dimanche en famille... L’un dans l’autre, on tombait 120 litres de vin par tête chaque année et le verre consigné était une habitude si banale que l’on n’y prêtait pas attention.
Une génération plus tard, le vin s’achetait en bouteille de 75 cl, et plus personne ne retournait chez l’épicier pour y amener les vestiges d’une soirée arrosée. Le pinard s’était embourgeoisé (ou prémiumisé dans la novlangue marketing), on buvait "moins mais mieux", l’AOC remplaçant le vin de table. Les bennes vertes qui commençaient à apparaitre dans le paysage se chargeaient de recueillir le verre jeté comme un déchet de plus de la nouvelle société d’abondance. La consigne avait disparu avec le vin bas de gamme, le progrès avait gagné, même si ses limites commençaient à pointer sous le tas d’ordures exponentiel qu’il générait…
Puis le 21e siècle est arrivé, et on s’est mis à parler de réchauffement climatique et de bilan carbone. La filière vin n’y a pas échappé, questionnant sa responsabilité environnementale à travers ses pratiques agricoles. Mais il a fallu la crise de la guerre en Ukraine pour que le totem national de la bouteille en verre soit enfin ouvertement questionné : avec la fin de l’énergie abondante et pas chère, son véritable coût financier et écologique ne pouvait plus être ignoré. Et il est de loin le plus gros point noir de la filière. Les fours à verre des quelques grandes entreprises qui trustent le marché en cassant les prix tournent au gaz et au fioul, le poids important des bouteilles pèse sur le transport et leur recyclage est extrêmement énergivore, puisqu’il faut les refondre à 1.500°C. Il se consomme et se jette chaque année en France plus de 3 milliards de bouteilles de vin, dont les plus lourdes pèsent jusqu’à 900 grammes.
Pour les nouvelles générations qui ont mis l’écologie au cœur de leurs préoccupations, la vieille pratique de la consigne est apparue comme une alternative à un recyclage pas si vert que ça.